Chronologie d'un changement de cap

Champagne et piscine ouverte au coeur de l'hiver : le rêve ? ou l'absurdité de notre mode de vie ?

Un samedi matin de 2008 …

Je me lève plus tôt que d'habitude et pour la première fois j'entends sur France Culture de 7h à 8h l'émission "Terre à terre" de Ruth Stegassi. Une journaliste qui va à la rencontre des initiatives écologiques, des penseurs alternatifs, des combats militants. Dès lors je podcasterai tous les épisodes que j'écouterai plusieurs fois. Je commence à lire les auteurs qui sont cités : Alain Grandjean, Jean-Marc Jancovici, Rob Hopkins, Pierre Rabhi, Bernad Lietaer, …

Lente maturation jusqu'en 2016

En 2016 Ruth Stegassi quitte sa carrière de journaliste pour aller cultiver des blés anciens ; elle ne croit plus au militantisme. Elle semble découragée et je ne comprends pas pourquoi mais je perçois une angoisse sourde. L'émission "Terre à terre" m'a donné de nombreuses pistes à creuser. Je ne retrouve rien d'équivalent et je mène désormais en autonomie ma quête d'informations sur l'état du monde.

2016, au détour d'une conversation j'entends parler du livre "Effondrement" de Jared Diamond.

Premier choc, je comprends que notre civilisation technologique et industrielle, basée sur les énergies fossiles n'est pas plus solide que les précédentes civilisations qui se sont effondrées. Je commence à creuser la question ce qui m'amène en 2017 au livre de Pablo Servigne et Raphaël Stevens "Comment tout peut s'effondrer". C'est le choc, je fais une dépression de 3 mois. Je ne finis pas le livre, je fais l'autruche et je remonte la pente pour un temps.

En 2018, le déni ne marche plus

Je lis, j'écoute des collapsologues ça me passionne mais ça me coûte : 3 mois très sombres pour digérer et cette fois-ci il ne s'agit pas de réflexions intellectuelles. L'absurdité de notre monde m'a pris aux tripes. Au printemps je me prépare à tout plaquer. Je manque de succomber à la tentation survivaliste (on passe tous par là). Pour moi ça prend la forme d'une maison dans la montagne ou une cabane au Canada. C'est un rêve de français me dit ma compagne canadienne : personne ne rêve d'un hiver dans le Yukon dans une cabane par -45ºC.

En août 2018 je me décide à agir

Au lieu de tout plaquer pour avoir bonne conscience, seul contre tous ; je vais tenter d'agir sur le système avec les leviers dont je dispose. Fin août 2018, le visage de Nicolas Hulot lors de l'annonce de sa démission indique que lui aussi est pris aux tripes. On ne triche pas avec l'effondrement. Avec sa démission il initie un mouvement : on commence à parler d'effondrement dans les grands médias. C'est le moment d'agir.

Je fais mon coming-out de collapsologue en transition dans mon milieu professionnel.

Je constate que je ne suis pas seul. Y'en a plein mon étage avec toutes les variantes des nihilistes ("bien fait pour nous") aux enthousiastes ("c'est l'occasion de devenir sage"). L'un deux me démontre que des efforts démentiels pour réduire de 80% mon empreinte écologique (je suis déjà à 40%) sont moins importants que de convaincre quatre personnes qui ne font aucun effort de commencer à gagner les 10 % les plus faciles à réaliser.

Je me fais violence et je recrée mon compte FaceBook (qui n'avait pas été détruit "Welcome back Mr Périn") : j'y posterai mes humeurs sombres. Je crée aussi une page Transition-Heroes : j'y posterai les propositions optimistes, les bonnes idées, tout ce qui donne l'espoir.

Je me décide à entraîner mes proches dans la prise de conscience si difficile et si impactante.

Depuis 2017 je les protégeais de ces informations, je ne rentrais pas dans le vif du sujet. Un sociologue me convainc que le déni n'est pas une protection. On ne veut pas voir mais l'angoisse est là, elle nous ronge doucement. Au fond on sait qu'on ne peut pas continuer longtemps sur notre modèle, que ça craque de partout, les signaux faibles qui le disent sont quotidiens. Autant regarder la réalité en face, se faire un printemps triste avant d'opérer une transition et de retrouver l'énergie dans l'action de changer.

10 ans …

Il m'aura fallu 10 ans entre les premiers signes lancés par Ruth Stegassi et la mise en mouvement. La prise de conscience est longue, la désintoxication du modèle si confortable dans lequel je baignais. Notre société est dépendante des énergies fossiles. Le pétrole est une drogue et nous sommes accrocs comme dit JM.Jancovici.

Ma plus grande fille vient d'avoir 10 ans. Elle aura à peu près mon âge en 2050 quand ça va commencer à fortement se dégrader. Elle aura 80 ans en 2100 l'horizon des +3ºC à +6ºC de réchauffement climatique. L'effondrement n'est pas dans un lointain futur et dans une autre galaxie. Si on ne fait rien, ce sera ici, ce sera pour nous et pour nos enfants.

Voilà mon bilan 2018 qui est plus optimiste qu'il n'y paraît car la prise de conscience s'étend : Ce matin dans le tramway, une jeune étudiante lisait "Petit manuel de résistance contemporaine" de Cyril Dion (l'auteur du film "Demain"). Elle était dans les premiers chapitres sombres, elle aura du mal à dormir ce soir mais elle aura pris une longueur d'avance : dans quelques mois elle commencera à agir.

Commentaires